Audrey
Il être dans mes bras, avec un sourire sur les lèvres en permanence et pour moi le bonheur c'était ça. Dans ma famille je suis l'aine, j'étais donc celle qui aimait l'arrivée d'un nouveau petit cousin ou pe
tite cousine. J'aimais les langer, les porter, les nourrir, les faire jouer, les garder. On disait de moi que j'étais une fille à bébé, j'arrivais à les calmer quand ils pleuraient et les faire dormir. Quoi donc de plus naturel pour moi de devenir maman un jour, d'avoir ce petit bout de moi dans les bras.
J'avais imaginé cela tellement simple, avant, je ne savais pas que la petite graine pouvait ne pas pousser, car de ces choses la on n'en parle pas... Comment savoir alors qu'un jour je vivrai cela..
La première fois j'avais 23 ans, le désir de materner était devenu une priorité, je voulais devenir mère, je me sentais prête, et je vous dirai même, peu m'importais je le sentais c'est tout. C'est assez difficile à expliquer ce désir qui naît en nous, plus fort que tout. Nous regardons les femmes enceinte avec envie, nous regardons les bébés d'autres en s'imaginant avec le notre.
C'est donc avec une joie intense que je découvrais les deux barres qui indiquaient que je portais la vie, que moi jeune fille j'avait enfin une graine qui allait grandir en moi. Je ne savais pas trop comment réagir, j'étais seule en déplacement professionnel et je voulais garder ce secret avec moi pour que personne ne perturbe ma bulle de bonheur avec des jugements qui ne seraient pas les bienvenue. Je n'ai donc rien dit. Les jours qui suivirent je me réveillais chaque matin avec la main sur mon ventre, je voulais déjà protéger cette petit chose qui était en moi, je n'avais aucune connaissance sur la grossesse, on n'utilisait pas autant Google il y a 10 ans. Alors mon instinct me guidait de protéger cette petite chose, donc je le faisait. J'ai tout de suite arrêter de fumer, je buvais que de l'eau et mangeait sainement. Je m'écoutais c'est tout. J’enchaînais les déplacements professionnels et j’étais donc souvent seule les soirs. Je me laissai envahir par mon imagination, avec mon bébé dans les bras, le sourire aux lèvres, heureuse, tout simplement...
Une nuit, en déplacement, j'ai été prise de violent maux de ventre, je reconnaissais les douleurs mensuelles que j'avais quand j’étais ado. La douleur était vraiment forte, je ne savais pas quoi faire. Je descendais alors à la réception et demandais ou était l’hôpital le plus proche. Il était 3h du matin, j'étais plié en deux à la réception d'un hôtel en banlieue parisienne et j'ai du prendre un taxi pour aller aux urgences dans une ville inconnue. Je me retrouvais au milieu de personnes en état d’ébriété sévère, de victimes de bagarres, de personnes hurlant. J'étais dans un bulle comme abasourdie par ce que je vivais à cet instant précis. J'étais perdu et j'avais tellement mal. L’infirmière me fit attendre, puis enfin, on m'accompagna dans une salle avec un médecin qui me fit une échographie et me demanda si j'avais perdu du sang. Je lui dis que non, il me conseilla d'aller vérifier. En effet j'en avais perdu un peu. A mon retour il me disait, pendant que je mettais mes chaussures que c'était certainement une fausse couche. C’était la première fois que j’endentai ces mots, donc je lui demanda ce que cela signifiait. Il commença par m'expliquer tout le processus de nidation ect... Pour me dire finalement que la grossesse est en train de s’arrêter...
Je reçois a ce moment un coup de massue sur la tête, mon regard se vide, je ne comprend pas ce qu'il me dit. Comment est ce possible? Qu'ai je fais pour qu'il me dise cela? 2h avant ma vie allait bien, j'allais devenir maman. Plus rien n'existe autour de moi, je suis seule désormais dans cette salle d'attente. L’infirmière me donne un médicament pour aider à l'expulsion de l'embryon et je dois attendre pour repasser une Echographie quelques heures plus tard. Ils ne me laisseront partir uniquement quand la graine ne sera plus la. La violence des mots à cet instant est immense. Chaque mot prononcé résonne dans ma tête, je marche tel un robot et fait ce que l'on me dit. Mon coeur est serré, je ne parle plus, je souffre seulement et accuse le coup. Je pense que je suis un peu KO comme dans un combat de boxe, je suis à terre, vidé, sonné, brisé... Tout cela se passe en moi, je ne dis rien, je subis ce que je suis en train de vivre, les bras le long de mon corps qui est comme sans vie désormais...
Les jours, les semaines, les mois ne furent plus les mêmes, ni mêmes les grossesses futures. Cette nuit la je la garderai toute ma vie dans mon coeur comme une marque indelebile avec laquelle on apprend à vivre... Cela fait 10 ans pourtant et je revis ce moment en l'ecrivant comme si c'étais hier, je me souviens de tous dans les moindres détails...
Quelques mois plus tard j'avais à nouveau un test positif et aussi incroyable que cela puisse paraître, je voulais juste que le temps s’arrête, que je puisse rester la sans bouger juste à attendre que la graine pousse. J'étais terrifié, j'avais besoin de savoir comment ça allait à l’intérieur de mon ventre. Je n'arrivais pas à me laisser porter par le bonheur comme la première fois, il y avait juste la place à l'angoisse, la peur, le stress. J'ai du aller voir un médecin pour me rassurer et celui ci ne l'a pas du tout fait. Au contraire il me disait presque que j'allais refaire une fausse couche car il n'entendait pas de cœur ect... La brutalité de ses conclusions me faisait mal encore et encore... Cette fois je me suis dis que je ne pouvais pas rester la à attendre alors je suis allez voir un autre médecin et lui il y a cru comme moi. Il m'a aidé avec des hormones à faire en sorte que la graine s'accroche et malgré toute l’anxiété généré par ma première expérience, cette graine a maintenant 9 ans.
La vie n'a pas voulu en rester la avec moi,et j'ai du encore affronter la déception, la tristesse et la souffrance... et la colere contre ce corps qui avait tant de mal à porter la vie...
Après mon premier enfant j'ai reçu un diagnostic des plus difficile à avaler, celui d'un cancer. Celui qui brise définitivement vos rêves de devenir mère à nouveau. Encore une fois je n'ai pas voulu m’apitoyer sur mon sort et ne pas croire en la médecine totalement. Alors après tous les traitements nocifs et destructeurs nous avons voulu y croire.
Chaque retard de menstrues était un nouvel espoir, celui de la vie. Chaque jour passé sans menstrues me rendait heureuse, nous rendait heureux, et puis en quelques secondes cet espoir s'en allait...
C'est ce que les médecins appellent : fausse couche précoce, et il y en a eu plusieurs à la suite. Chacune d'entre elle nous éloignaient de notre désir d'enfant. Chacune d'entre elle heurtait mon cœur, le rendait plus fragile, et solide à a fois. Comme des barrières que l'on dresse petit à petit pour se protéger de la douleur, celle que personne ne voit...
Et puis il y a eu cette fois ou l'espoir n’était plus car cette fois on avait entendu son cœur battre. Le sourire était à nouveau sur nos visages. Visite tous les 15 jours avec une étape de gagné a chaque fois et un peu plus de bonheur en nous. Le cœur se répare petit à petit, laissant derrière la lourdeur des échecs, laissant les barrières tomber petit à petit. Ma main sur mon ventre avait repris sa place, toujours avec la peur coincé dans la gorges. Cette angoisse de la douleur qui peut revenir à tout instant, me piquer nos désirs, me voler mon bonheur. Et ce jour arriva. 12 semaines deja que la graine était la, 3 mois pile. Enfin nous allions dépasser la période critique. Ce jour la, j'ai reconnu l'expression du visage de mon médecin... Cette expression qui fait mal, qui serre le cœur en attente de son verdict. On le voit chercher encore et encore sur mon ventre avec cette gelé froide qu'il étale un peu plus. Ses yeux se tournent enfin vers nous, moi je reste figé sur la machine, et j'entend seulement ses mots " Je suis désolé, je n'ai plus de cœur, la grossesse s'est arrête" J'ai du mal à avaler ma salive, je ne pleure pas, je regarde devant moi le regard vide à nouveau. J'ai l'impression que je vais m'évanouir tellement c'est dur d'entendre ce qu'il m'explique, car cette fois il va falloir que l'on enlève la graine, la grossesse est trop avancée. Ma souffrance est tellement grande que je n'arrive même pas a regarder mon conjoint dans les yeux, je regarde par terre. Cette fois je comprend que mon corps ne veut plus enfanter, qu'il ne peut pas tenir de graine et la faire pousser. Mon corps, mon âme et mon cœur sont trop abîmes. Les sons deviennent lourds dans mes oreilles, je n'arrive pas à y croire, je vis un mauvais rêves je vais surement me réveiller...
Cette épreuve est celle qui m’achève moralement... Ma force réside dans la solidité de mon couple, dans les yeux de mon premier enfant et dans la Foi... Je ne sais même plus vraiment ce qui m'anime et comment je vais envisager l'avenir...
Je ne voulais plus souffrir, plus essayer et prendre ce que la me donnerai... Je n'abandonne pas facile un combat mais celui ci m'a vidé et j'acceptais ce que mon corps me disait...
Pourtant la vie est belle et on ne doit jamais perdre espoir, on ne doit jamais baisser les bras!
Aujourd'hui 5 ans plus tard j'ai eu deux autres beaux enfants. Je vous caches pas que mes grossesse sont sources d'angoisses majeures, que je fais des cauchemars les premiers mois dans lesquels je perds ma graine. Je ne veux rien faire de peur de mettre en danger cette graine, mais je tiens avec l'aide de mon mari et finalement tout devient réel et mon cœur abîme se reconstruit petit à petit... Le jour de leur naissance est une libération pour moi car c'est à ce moment précis que cette grossesse devient réel, j'ai enfin mon bébé dans les bras, celui que j'ai réussi à porter avec toutes les blessures de mon cœur et de mon âmes...
Ce partage d'une tranche de ma vie je le fais parce que nous sommes 10 à 20 % de femmes à le vivre, à souffrir en silence parce que de ces choses la on n'en parle pas....
Je vous en parles et j'essai de décrire du mieux que je peux ma souffrance qui a déjà été la votre peut être... On dit que l'espoir fait Vivre alors je vous en donne un peu...
Parmi toutes ces graines qui n'ont jamais poussées j'en ai 3 qui font mon bonheur et qui m'aide à être celle que je veux être aujourd'hui... Battez vous pour vos rêves ne les laisser pas s'envoler... Et même si c'est loin, et que j'ai mes enfants je souhaite briser le silence et ne pas banaliser la douleur de cette épreuve.... Pour une Femme, pour un couple...
Pour toutes celles qui ont du dire au revoir à leur graines...
Bonjour, je me suis inscrite simplement pour pouvoir écrire un commentaire. Je voulais vous remercier pour ce beau témoignage qui permet de se sentir moins seule... Je n'ai pas vécu toutes vos épreuves, seulement une seule fausse couche donc c'est avec beaucoup d'admiration que je vous félicite pour votre mental. Je n'ai pas été abattue lorsque l'on m'a annoncé ma fausse couche, il y a seulement 1 mois mais aujourd'hui je passe ma vie sur Google en ayant la crainte que cela se reproduise une nouvelle fois. Je crois avoir passé les pires semaines de ma vie (pressentiment, écho aux urgences, retour à la maison avec peu de nouvelles, rdv la semaine d'après chez la gyneco, verdict, passage aux urgences…